Régions et peuples en Europe : situation de la Corse, du Pays Basque et de la Catalogne
Le texte qui suit, rédigé par Rémi Mogenet, est un compte-rendu de la séance du 26 août 2014 autour du thème « La démocratie européenne face aux droits des peuples à l’autodétermination ».
Intervenants : Jean-Christophe Angelini (secrétaire national du PNC), Lorena Lopez de Lacaille, José-Maria Terricabras (président du groupe ALE au Parlement européen et leader d’Esquera Republicana de Catalunya).
Corse : selon J.-C. Angelini, l’Etat français ne respecte pas ses propres règles. L’histoire du mouvement national corse est rappelée : le PNC a choisi une voie politique, et a atteint 35 % des voix. En creux cette démarche politique se démarque de l’action politico-militaire. Le succès dans les urnes a été constaté et le FLNC a déposé les armes. Cependant on est arrivé à une impasse, car les succès ont entraîné des décisions à l’Assemblée de Corse qui sont refusées par Paris, cassées : la co-officialité de la langue corse et le statut de résident en particulier. De quel droit ? La société corse se réveille et prend la voie de l’autodétermination. La Corse sera peut-être une nation dans l’Europe de demain.
Pays basque : selon Lorena Lopez de Lacaille, le sentiment unitaire espagnol est inscrit « dans les gènes » du gouvernement madrilène. Il s’agit donc de s’orienter pacifiquement vers l’indépendance, en prenant modèle notamment sur la Catalogne. Celle-ci représente le quart du PNB espagnol, le Pays basque le huitième ; à elles deux ces régions constituent le tiers. La gauche basque a uni ses forces et Madrid s’en est inquiétée. L’important est de dépasser les vieux antagonismes partisans, les préjugés, et de créer des réseaux de discussion sur le principe de numéros anonymes comme cela a été fait en Catalogne. La raison, au-delà des barrières idéologiques théoriques, peut amener les Basques à se rassembler pour se diriger vers l’indépendance et enfin pouvoir mettre la carte d’identité espagnole dans une « benne à ordures ». Il faut procéder à des actes de désobéissance civile. Pour ce qui est de l’accusation d’égoïsme lancée contre les régions riches qui veulent faire sécession, il s’agit seulement de n’aider que librement : le Pays basque veut aider ses voisins, mais ne veut pas y être contraint, ou que cela serve de prétexte à la limitation des libertés.
Catalogne : le 9 novembre, un référendum est prévu, bien que Madrid s’y oppose, car les partis du parlement catalan l’ont décidé à la majorité de 80 %. Il y aura deux questions : voulez-vous un Etat ? Voulez-vous l’indépendance ? Le Parti socialiste catalan est quasiment le seul à s’opposer à ce référendum, étant favorable au centralisme. La majorité des Catalans veut l’indépendance, bien qu’ils n’accepteraient pas qu’on les dise nationalistes ou indépendantistes ; la question a donc été changée : il s’agit de s’orienter vers l’avenir, pas de se référer à une identité figée. L’indépendance concerne ceux qui vivent et travaillent en Catalogne et veulent être catalans. L’identité catalane est évolutive. Pour autant elle n’est pas dispersée dans la multiplicité indifférenciée, car cela relèverait de la psychiatrie. Madrid oppose l’idée d’une Espagne millénaire, voire deux, voire trois fois millénaire, et José-Maria Terricabras raille de telles idées, en demandant si elle a été créée par Jésus-Christ. En vérité, l’Espagne telle qu’elle est n’existe que depuis trois cents ans. Si le référendum aboutit au non, il n’y a pas de plan B ; s’il aboutit au oui, Madrid et aussi Bruxelles devront s’y adapter, et l’orateur ne doute pas que cela sera le cas. Il a reçu une réponse de Jean-Claude Juncker allant dans ce sens. La question de l’égoïsme catalan est soulevée : mais l’orateur rejette l’idée d’une solidarité imposée, et désapprouve que la Catalogne participe assez pour devenir la deuxième région d’Espagne pour ce qui est des prestations d’Etat, alors qu’elle est la première pour ce qui est des dons faits à l’Etat central. D’ailleurs la Catalogne indépendante se proposerait de rembourser une grosse partie de la dette espagnole, qui atteint 100 % du PIB, et cela satisferait les banques européennes. La Catalogne a beaucoup donné et compte donner encore, mais entend le faire librement. Elle ne sera pas un Etat centralisé, et le Val d’Aran, qui est de langue occitane, a reçu beaucoup plus de protection de Barcelone que de Madrid, et s’il veut devenir indépendant trouvera peut-être un écho favorable dans une Catalogne elle-même indépendante. L’Etat moderne se doit d’être souple, non rigide ; mais la France et l’Espagne sont pris dans un mouvement de recentralisation.