Vers « l’indépendance » de l’Ecosse, de la Catalogne ? Réflexions et observations

 

Le 18 septembre prochain, les Écossais seront invités à  se prononcer sur l’indépendance de leur nation, par l’intermédiaire d’un référendum proposé conjointement par David Cameron et Alex Salmond, l’actuel Premier Ministre écossais. Les Catalans feront de même, en novembre 2014.




  • Pour le cas de l’Ecosse on peut observer avec intérêt les argumentaires. Le gouvernement de Londres est « gêné » sur le plan argumentaire. En effet, il prône un référendum sur la sortie de l’UE. Pourquoi alors le refuser à l’Ecosse ?

D’autre part l’euroscepticisme est une « valeur » reconnue en Angleterre, alors pour refuser la même attitude aux Ecossais par rapport au Royaume Uni… ?

Enfin, les Ecossais affirment, entre autre, dans leur message, qu’ils veulent justement quitter l’Angleterre, car eux ils veulent rester en Europe et entrer dans la zone Euro, contrairement aux Anglais.

Il y a là des éléments très logiques en faveur des Ecossais.

 

  • La Commission européenne est très prudente sur ce sujet et même opposée, pour des raisons de risques de contagion, et parce qu’elle est « liée » à « l’establishment » des 28 Etats de l’UE…

 

  • « En principe », en cas d’indépendance de l’Écosse, son adhésion à l’Union Européenne, comme pour les autres États candidats, devra suivre une procédure rigoureuse prévue par l’article 49 du Traité de l’Union Européenne (TUE). A priori, remplir les trois critères d’éligibilité, à savoir le respect de la démocratie et des droits de l’homme, l’existence d’une économie viable et concurrentielle (bien que sur ce point, les adversaires de l’indépendance émettent des doutes) et la capacité à assumer les obligations d’État membre, ne devrait pas poser de problèmes majeurs à l’Écosse. En revanche, toute adhésion est soumise, non seulement au jugement unanime du Conseil Européen mais également, si la procédure atteint ce stade, à ratification par l’ensemble des États membres. Certains Etats, à commencer par l’Espagne opposeraient leur veto.

  • Alex Salmond, et la vice-Première Ministre Nicola Sturgeon n’acceptent pas cet argument et insistent sans relâche sur le fait qu’en tant que nation membre du Royaume-Uni, l’Écosse fait partie de l’UE depuis plus de 40 ans. A ce titre, lui demander de renouveler une adhésion par l’intermédiaire de l’article 49 du TUE reviendrait donc à exclure de fait un territoire membre, ce qui est impossible car non prévu par les traités.

  • Quelle indépendance est possible pour ces régions ? Constitueraient-elles alors un nouvel Etat de l’UE ?

 

 

  • Que signifie aujourd’hui « l’indépendance » pour nos pays ? Dans l’actualité récente, la Suisse est-elle encore indépendante, alors qu’elle est forcée par les faits d’aligner sa monnaie sur l’Euro, et de supprimer son secret bancaire pour répondre au diktat des USA ?

 

  • Quels sont les cas récents d’accès à l’indépendance en Europe ? On relève deux cas, hormis l’éclatement de la Yougoslavie, pays fédéral qui ne conservait son unité que par le pouvoir du parti unique et de l’armée. Premier cas : la création de l’Etat et canton du Jura en 1974, deuxième cas : la Slovaquie qui s’est détachée de la Tchéquie en 1992. Pour ce dernier pays, la transition s’est faite sans heurt majeur à l’issue de la période communiste et cet Etat est entré dans l’UE en 2004. « Inversement », l’Allemagne de l’Est a été absorbée par l’Allemagne fédérale en 1990…

 

  • Le cas du Jura est très instructif. L’Etat et canton de Berne, dans sa configuration à l’issue du Congrès de Vienne (1815) comptait en son sein une zone francophone dans le Jura, composée de 6 « districts » de langue française et un bilingue (celui de Bienne). Le conflit est venu non d’un problème linguistique, le français étant reconnu et respecté, mais de raisons historiques et géographiques. Les trois districts du Nord sont tournés économiquement vers le Nord (France et Bâle) et ils dépendaient de l’évêché de Bâle jusqu’en 1815. L’occupation bernoise fut un fait nouveau à partir de 1815. Les Jurassiens ont lutté de 1950 à 1974 pour la création de leur nouveau canton, ce qui fut d’abord une question interne de l’Etat bernois (accès à la sécession), puis une question fédérale (la création et l’intégration d’un nouveau canton). En final, suite à plusieurs votations successives, (canton de Berne, puis au plan fédéral), seuls les trois districts du Nord, catholiques (les 3 du Sud, tournés vers le Sud sont protestants), ont constitué ce nouveau canton, 23° Etat fédéré.

  • On doit noter que cette création du nouveau canton fut le fruit d’une évolution progressive, négociée, et plus facilement réalisable dans le cadre fédéral de la Suisse. Le nouveau canton a respecté « naturellement » les compétences régaliennes de la Confédération (qui est une fédération depuis 1848) : monnaie, armée, politique étrangère etc…

 

  • On peut aussi étudier avec intérêt la gestion, par l’Etat italien, de ses 5 régions à statut spécial. Ces régions ont bénéficié (création de 1946 à 1948) d’un statut particulier, qui a évolué positivement, sous les pressions des populations locales, jusqu’aux années 1990 vers une plus grande autonomie. Le cas du Trentin Haut Adige a été réglé, progressivement, au terme d’une longue lutte de la population germanophone. On peut apprécier la capacité d’adaptation qu’ont su mettre en œuvre les gouvernements italiens. Ceci, en particulier sur la question du Trentin, dont l’histoire est comparable à celle de l’Alsace par rapport à la France.

 

  • En conclusion, nous pensons que le statut politique de l’Ecosse et de la Catalogne espagnole peut tout à fait continuer à évoluer vers des formes d’indépendance ou d’autonomie renforcée, dans le cadre de négociations approfondies. Il est certain que si le cadre institutionnel de l’Union Européenne était plus précis, plus avancé, avec une structure fédérale et des attributions claires des compétences entre les Régions, les Etats et l’UE, en bonne application du principe de subsidiarité, la maturation de ces processus d’autodétermination en serait grandement facilitée, comme l’a montré l’exemple historique du Jura. Contrairement à ce que peuvent affirmer les partis nationalistes et/ou populistes de gauche et de droite, on peut observer que notre monde n’est pas figé et évoluera toujours, comme tout être vivant. En particulier, les frontières ne sont pas figées ad vitam aeternam, où que ce soit, mais ces évolutions, si elles sont nécessaires, doivent se faire de manière posée et négociée.

par François COUTIN

Laisser un commentaire