Dans la cadre de la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) et des débats sur la réforme territoriale, le gouvernement Valls s’apprête à présenter à l’Assemblée nationale une série d’amendements visant à faire de la Corse une collectivité à statut particulier, comme le permet l’article 72 de la Constitution.
Cet article 72 de la Constitution est le même article que celui sur lequel s’appuie la proposition , présentée au Sénat (par Michel BOUVARD) puis à l’Assemblée nationale (par Hervé GAYMARD), d’une collectivité Savoie Mont-Blanc fusionnant les deux départements savoyards.
En ce qui concerne la Corse, la série d’amendements présentés par le gouvernement prévoit de transformer, à compter du 1er janvier 2018, la région de Corse , les départements de Corse-du-Sud et Haute-Corse en une seule et unique collectivité à statut particulier qui se substituera aux départements et à la région. Cette collectivité de Corse sera représentée par une Assemblée de Corse avec à sa tête un conseil exécutif de Corse, en lieu et place des conseils régionaux et départementaux actuels.
Ces amendements du gouvernement sont présentés comme faisant suite à une « volonté de création d’une collectivité unique de Corse manifestée par l’assemblée de la collectivité territoriale de Corse par une délibération du 12 décembre 2014, ainsi que par le conseil général de Haute-Corse par une délibération du 18 décembre 2014.» S’inscrivant dans la continuité de la loi de 1991 ayant substitué la collectivité territoriale de Corse à la région de Corse (bien que ce terme reste couramment utilisé), ils visent à « poursuivre cette logique jusqu’à son terme. »
|
Rappelons que comme en Corse, les élus savoyards de l’Assemblée des Pays de Savoie, qui réunit depuis 2001 les conseils généraux des départements de Savoie et Haute-Savoie, ont eux aussi délibérés en faveur de la création d’une collectivité Savoie Mont-Blanc, au titre de l’article 72 de la Constitution. Suite à quoi Michel Bouvard et Hervé Gaymard proposent la création de cette collectivité au Sénat d’abord, puis d’ici quelques jours à l’Assemblée nationale. Là aussi, n’y aurait-il pas une logique à poursuivre jusqu’à son terme ?
On ne peut que s’indigner de l’attitude du gouvernement Valls, qui propose de mettre en place en Corse ce qu’il refuse dans le même temps à la Savoie, et cela bien que dans les deux cas les élus Corses comme Savoyards se soient prononcés en faveur de cette collectivité à statut spécifique. Un refus et un mépris qui ne sont pas seulement opposés à la Savoie, mais aussi à l’Alsace et à la Bretagne qui avaient émis le même souhait de voir leurs départements fusionnés au sein de collectivités à statuts spécifiques permises par l’article 72 de la Constitution.
Une attitude du gouvernement Valls qui interroge : pourquoi ce qui est possible en Corse ne le serait pas en Savoie ? Y aurait-il quelques explications à chercher du côté de l’histoire récente ? Celle des trente dernières années qui virent la Corse marquée par des revendications violentes de son identité territoriale, entre attentats, plasticage de villas et assassinat d’un préfet ? Là où dans le même temps les mouvements régionalistes, autonomistes et indépendantistes savoyards se contentaient de revendiquer l’identité de la Savoie de manière pacifique ?
Le gouvernement Valls s’assoit sur l’égalité des territoires et divise pour mieux régner. Il accepte ici ce qu’il refuse là, s’enfermant dans des contradictions qui révèlent un autoritarisme mêlé de crainte et surtout l’absence d’une vision globalement cohérente de la France, de ses territoires et de leur avenir.
Par Rodolphe GUILHOT
Liens des trois amendements relatifs à la collectivité de Corse :
www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2553/AN/1979.asp