Un Billet de mauvaise humeur contre un sympathique ouvrage francoprovençal
Le 17 septembre à la fête internationale du francoprovençal de Saint Pierre d’Entremont Malika Benarab-Attou, députée européenne, membre de la commission culture du Parlement européen a présenté un « lexique français-francoprovençal des communes de Savoie » réalisé à son initiative. Ce petit ouvrage édité en nombre limité recense les noms vernaculaires des villes et villages des deux départements. Malika, originaire de Chambéry explique que ce lexique peut inciter les maires à mettre en place une double signalétique comme cela se pratique en Bretagne ou en Occitanie et, par delà, permettre aux habitants de garder une trace du passé ou, pourquoi pas ? donner à des jeunes l’envie de redécouvrir une langue. Dans la préface, Louis Terreaux, grand universitaire qui vient de publier une « histoire de la littérature savoyarde » à « la Fontaine de Siloé » et ancien maire de Saint Jean en Prieuré souligne le réel intérêt et la portée pédagogique de ce travail.
Ce lexique, passé relativement inaperçu des non spécialistes a fort heureusement bénéficié d’une belle publicité gratuite dans le «blog» d’un élu municipal annécien [1]. A vrai dire ce qui intéresse celui-ci c’est surtout que, sur la couverture, on trouve logiquement à côté du logo du groupe « Les Verts /ALE du Parlement européen », ceux du MRS et d’Europe Ecologie les Verts. La brochure devient donc le prétexte d’un règlement de compte avec sa formation d’origine dont il a été exclu pour cause de retournement de veste.
Bien que nous ayons été diffamés, et amalgamés à ce que nous ne sommes pas dans un autre article de ce blog [2], il n’est pas dans nos intentions d’entrer dans une polémique avec un personnage qui s’est depuis longtemps discrédité auprès de tous ceux qui lui ont fait confiance. Nous le laisserons s’agiter seul sur un devant de scène qu’il a de plus en plus de mal à occuper.
S’il y a cependant une chose que nous supportons mal : c’est le mépris avec lequel il traite le « francoprovençal » (affublé de guillemets pour que l’on comprenne bien que cette langue dont l’aire de diffusion s’étend sur trois pays n’existe pas). « Cette publication », écrit celui qui se voit sans doute en arbitre des élégances de la branchouille annécienne « est ringarde et ridicule, je ne vous raconte pas comment se traduit Annecy. »
Nous on veut bien vous le raconter. C’est « Enneci », si on utilise la graphie de Stich, ou « In-si » d’après la graphie de Conflans. La première n’est certainement pas inconnue de notre élu puisque c’est celle qui figurait sur les autocollants des automobilistes anti JO assortie d’un doigt significatif. La seconde est peut-être plus familière aux locaux puisque c’est encore ce qu’on entend si on écoute attentivement ceux qui gardent l’accent du cru. Avouez d’ailleurs qu’entre « Annecy » et « In-si » la différence est bien mince et qu’on est loin de la célèbre querelle sur la prononciation des finales en z ou en x. Il faut bien toute la mauvaise foi et l’acharnement d’un politicien suffisant pour en faire un sujet de scandale.
Il est frappant de voir comment l’usage du francoprovençal quasi général dans la société savoyarde vers 1930 s’est arrêté brusquement après la guerre. Il y a plusieurs explications mais la principale est certainement psychologique « Ringard, ridicule ». C’est ce qu’ont entendu pendant des siècles les « provinciaux » quand ils voulaient s’exprimer dans la langue de leurs pères. Pour éradiquer les « patois » il n’ a pas suffit de punir les enfants à l’école, il a fallu aussi faire honte aux parents. Etait-il vraiment nécessaire d’humilier des milliers de gens pour réaliser une unité linguistique qui existait déjà ?
Aujourd’hui le cours des choses est inversé et les langues régionales ou minoritaires sont reconnues comme un aspect menacé du patrimoine culturel européen. Il y a trente ans les bretons étaient accablés de stéréotypes : chapeaux ronds, binious et baragouin. Aujourd’hui la « celtic touch » triomphe au panthéon de la world music. Que les petits maîtres coupeurs de parole qui brandissent leur sécateur émoussé prennent garde. Les ringards d’hier pourraient bien devenir tendance !
LF
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Sans commentaire ou plutôt un seul pour le comparse qui écrit dans un commentaire que nous n’avons « rien à voir sur le plan politique avec les bretons de l’UDB » : non seulement nous sommes dans la même fédération mais nous travaillons avec eux et nous les rencontrons régulièrement.