Question soulevée dans le journal « Libération » faisant intervenir des experts tous d’accord pour ne pas être politiquement incorrect. Dommage, la question mérite réellement débat.
Dommage que les propos relevés ne soient pas contradictoires !
Peut-on parler de colonialisme, lors de l’annexion, en 1860 ? Cela parait guère plausible. A ce moment la France prit possession de la Savoie, et poussa à l’extrême l’assimilation du peuple de Savoie, sans pour autant que des « colonies » y soient installée. En revanche…
En revanche, la question de la colonisation se pose en fait depuis 1945. Y aurait-il un lien avec le début du déclin de l’empire colonial français ?
Ce n’est pas un hasard, si le Mouvement Région Savoie, puis la Ligue Savoisienne sont apparus en réaction dans les années 70 puis 90.
Les prises de possession progressives des ressources économiques savoyardes par l’oligarchie parisienne sont effectivement vues auprès d’une partie de la population comme des actes de colonialisme, sentiment qui ne fait que croître de décennie en décennie. Pour ne citer que quelques exemples :
– Le monopole national par un corps d’élite industriel sur les barrages et usines hydroélectriques savoyards. Le sentiment de dépossession de ce bien public qui représente un potentiel énergétique durable exceptionnel s’accentue dans la perspective des privatisations à venir.
– La mainmise sur la traversée des Alpes, qui était historiquement une manne pour les États de Savoie avec le contrôle des cols alpins devient possession principalement de l’État français et de familles « républicaines » avec les percements du tunnel du Mont-Blanc (1965) puis celui du Fréjus (1980). On se souvient que lors de l’accident du Tunnel du Mont-Blanc en 1999, le Président en service de la société d’exploitation, ATMB (dont le siège sociale se situe dans le XVème arrondissement de Paris) était aussi administrateur d’une mine de Nickel de Nouvelle-Calédonie…
– Le plan neige dans les années 70′ et 80′ n’est il pas un pas un acte de colonisation de la montagne par des investisseurs essentiellement citadins, dans le mépris de l’architecture, et de la culture locale ?
L’argument qui était de garder les jeunes au pays, a tenu un moment, mais est aujourd’hui devenu un contre sens. Le tourisme, lié à une bulle immobilière massive est favorisé par des défiscalisations octroyées par l’Etat en direction de revenus citadins (pour ne pas dire parisiens). Il mène les autochtones dont les revenus sont beaucoup plus modestes, à devoir quitter les vallées, faute de logements à des tarifs accessibles.
Élément significatif, l’appellation « Compagnie des Alpes » ne rappelle-t-elle pas la « Compagnie des Indes » ?
– Les politiques assimilationnistes et destructrices de l’État français en direction d’une culture savoyarde pourtant très riche et issue d’un État européen indépendant depuis le moyen age, accentue ce sentiment de colonisation. Et s’ajoute à cela le mépris administratif et démocratique vis à vis d’un territoire qui ne dispose d’aucune autonomie fiscale ou politique, malgré de nombreuses revendications, et contrairement à ses voisins : les cantons suisses, ou à la région autonome du Val d’Aoste dans le territoire italien. La Savoie n’a jamais même été une région française, et l’est encore moins avec la dernière réforme territoriale. Ce mépris demeure une blessure profonde dans l’inconscient savoyard, d’autant plus que sa faible représentation vis à vis de centres administratifs régionaux éloignés que sont Lyon et Grenoble en font une parent pauvre des politiques publiques régionales.
– Le traitement de la pollution en vallée de l’Arve par les préfets successifs se comportant en gouverneurs coloniaux et ne faisant que défendre les intérêts économiques des entreprises d’État, vis à vis d’une population ouverte sur l’Europe et sur des exigences démocratiques plus fortes, génère à nouveau un fort sentiment d’injustice. Probablement l’élément récent le plus marquant auprès de la population savoyarde.
L.B.