La loi NOTRe, expression d’un fantasme jacobin

par Laurent BLONDAZ,
Président du MRS

Aujourd’hui, grâce à l’internet, presque tout le monde est connecté. La société évolue très rapidement. Dans cet élan, la « modernisation » de l’appareil d’État dessinée à travers la loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) s’est exprimée en réalité comme l’expression d’un grand fantasme jacobin : contrôler totalement un pays de soixante-six millions d’habitants dans un rationalisme sans faille. Les ordres peuvent désormais « descendre » en quelques millisecondes depuis le sommet de la pyramide nationale vers les différentes sous-couches administratives, et jusqu’aux maires et administrés, salariés, fonctionnaires, immatriculés de l’URSSAF ou chômeurs. Les échelons locaux, les cultures régionales, les communautés de vie, tout cela serait désuet dans ce nouveau monde interconnecté.

Et pourtant… Ces immenses nouvelles régions vides de sens ne sont effectives que depuis quelques mois, mais qu’observons-nous déjà ? Personne n’est dupe. Les économies promises ne seront pas au rendez-vous. Il ne s’agit pas non plus de rendre plus efficace la fonction publique territoriale. Que vont-elles nous apporter de positif ?

– Des grandes métropoles qui dirigent nos nouvelles régions, Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir  ?
– Je ne vois que la croissance qui se noie, le chômage qui croit, les gabegies qui se déploient, la démocratie que l’on foudroie.

Il va être urgent de se poser des questions plus profondes, et de regarder notre société avec une analyse plus complexe et plus humaine. Depuis la parution du rapport Balladur, en 2009, le MRS n’a cessé d’alerter sur les conséquences de cette réforme territoriale. Droite ou gauche, rien n’a arrêté jusqu’à présent cette logique hypercentraliste qui n’a aucun équivalent en Europe.

Il va falloir prendre conscience que l’activité économique n’est pas le résultat d’une équation macroéconomique, mais le fruit d’initiatives prises par des femmes et des hommes libres, s’impliquant au sein de communautés émancipées. Les régions devraient être grandes non pas par leur superficie, mais par leur dynamisme, leur cohérence culturelle, leurs capacités financières.

Pour parler de ce qui concerne les Savoyards, il faut savoir que la nouvelle région Auvergne Rhône-Alpes qui couvre désormais un territoire plus grand que l’Autriche, n’en demeure pas moins une coquille vide. A titre de comparaison, le Piémont, possède un budget par habitant supérieur de près de 1000 % à celui d’Auvergne-Rhône-Alpes. Idem si l’on fait la comparaison avec un land allemand. Pire encore, si l’on considèrent les très autonomes cantons de la fédération suisse, ou les régions italiennes à statut spécifique comme le Val d’Aoste. (voir tableau ci-dessous).

Aujourd’hui, grâce à l’internet, presque tout le monde est connecté, et cela n’a pas que du négatif.  Les populations partagent désormais elles-même les informations. Les outils de propagandes ne tiennent plus. Les idées circulent et s’échangent au-delà des frontières. Les mythes historiques nationaux s’effondrent. Une exigence démocratique nouvelle a gagné les populations. La Vème république ne pourra pas tenir longtemps.

Décider de ses institutions est un droit démocratique fondamental. Ainsi l’a rappelé le conseil de l’Europe en dénonçant sévèrement la réforme institutionnelle imposée par Paris aux populations de l’hexagone.
La loi NOTRe est une impasse. Le temps du demi-tour s’annonce déjà.

Réformer les institutions devrait avoir comme premier objectif de développer une démocratie adaptée au XXIème siècle. Par des référendums d’initiative populaire, on pourrait faire l’économie de nombreux projets inutiles, à tous les niveaux. On pourrait aussi dessiner les contours de régions dynamiques, petites ou grandes, selon des bassins de vie qui nous correspondent.
Bien gérer, c’est affecter les compétences au juste niveau, ce que l’on appelle en démocratie le principe de « subsidiarité ».  Éducation, culture, santé, justice, logement, médias… ces questions sont propres à chaque territoire. Il serait temps de les régionaliser. Paris se comporte toujours en parent terrible. Elle est aujourd’hui la seule capitale européenne qui contrôle et centralise autant de pouvoirs. Là est la misère de la France.

Contrairement à ce que des détracteurs laissent penser, le régionalisme n’est pas un mouvement folklorique, mais un projet de société équilibré, humaniste, démocratique et novateur pour la France.

Le projet de région Savoie renaît sous la forme d’un conseil territorial Savoie Mont-Blanc. Portons-le le plus haut possible, sans complexes. Qui mieux que nous-même savons ce dont nous avons besoin pour notre avenir ? Disposer de capacités financières et de décisionnelles propres est légitime. Il est temps de l’affirmer haut et fort et de convaincre le plus grand nombre de nos concitoyens.  

 

Comparatif de budgets annuels de différentes régions européennes

tableau-regions.png

Laisser un commentaire