Quand le gouvernement Valls viole les textes européens ratifiés par la France…

En 1985, la France signait la charte européenne de l’autonomie locale, qu’elle ratifia seulement en 2007. Cette charte, adoptée en 1985 par le conseil de l’Europe (dont la France est l’un des membres fondateurs), est un traité international qui établit le principe d’autonomie locale et garantit l’indépendance politique, administrative et financière des collectivités locales qui composent les Etats signataires. En théorie, ce texte s’applique donc à la France depuis 2007.

 

 

 

 

 

La France, au moment où elle a ratifié ce texte en 2007, a précisé dans une déclaration jointe à la ratification que « Conformément à l’article 13, les collectivités locales et régionales auxquelles s’applique la Charte sont les collectivités territoriales qui figurent aux articles 72, 73, 74 et au titre XIII de la Constitution (française) ou qui sont créées sur leur fondement. » En résumé, la charte européenne de l’autonomie locale s’applique en France aux communes, départements, régions, collectivités à statut particulier et collectivités d’outre-mer. Seules les intercommunalités en sont exclues (« La République française considère en conséquence que les établissements publics de coopération intercommunale, qui ne constituent pas des collectivités territoriales, sont exclus de son champ d’application »).

 

Selon les termes de la charte, la France est donc soumise à la définition qui y est donnée de l’autonomie locale :

 

« Article 3 – Concept de l’autonomie locale

 

Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.

 

Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d’organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi. »

 

Mais la France est aussi soumise au respect des deux articles suivants :

 

« Article 5 – Protection des limites territoriales des collectivités locales

Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet. »

« Article 6 – Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales

1. Sans préjudice de dispositions plus générales créées par la loi, les collectivités locales doivent pouvoir définir elles-mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace. »

Dans le contexte de la réforme territoriale, ces deux articles prennent tout leur sens. En tant que collectivités locales, les régions françaises auraient du être consultées préalablement par le biais de leurs assemblées représentatives et/ou de leur population (par référendum). Or, il n’en a rien été. Bien au contraire une nouvelle carte des régions françaises fusionnées et redécoupées jaillit en l’espace d’une nuit lors d’une séance de travail présidentielle bâclée à la va-vite (cette carte, légèrement modifiée, a été adoptée par l’assemblée nationale en juillet dernier). Pas de consultation officielle des assemblées représentantes de ces collectivités (si ce n’est, dit-on, quelques tractations téléphoniques invérifiables entre grands barons locaux), et bien entendu encore moins de référendums locaux !

 

 

Après la lourde défaite du PS aux élections municipales de mars 2014, l’urgence était telle pour le gouvernement Valls et le président Hollande peu soucieux de s’exposer à de nouvelles consultations populaires, qu’ils ne se sont pas gênés pour passer en force, violant au passage la charte ratifiée en 2007, et évacuant tout processus démocratique de la réforme territoriale ! Tout cela sans que la plupart des médias nationaux, trop occupés par la course permanente à l’info, ne prennent le temps de s’en rendre compte.

 

Une étrange manière de gouverner qui peut sembler d’autant plus inquiétante que dans un prochain volet de cette réforme territoriale est annoncée une suppression des départements, dont les compétences seront redistribuées aux nouvelles super-régions. Nous pourrons sans aucun doute compter sur le gouvernement pour s’atteler à cette tâche avec le même respect des traités européens et du processus démocratique…

 

Toute cette affaire prouve au moins une chose : cette réforme territoriale est fondée sur un malentendu et une incompréhension totale entre une caste gouvernementale parisiano-parisienne et jacobine d’une part et les territoires, la « province », d’autre part. Alors même que ces territoires, leurs collectivités, et leurs populations devraient être étroitement associés à une réforme visant à redessiner la carte de France, le gouvernement les ignore et entend imposer sa vision jacobine depuis Paris, dans le but d’en garder le contrôle. Une recentralisation en lieu et place de la décentralisation. Tout le contraire du modèle allemand (et ses länders) sans cesse vanté et mis en avant par nos derniers gouvernements (de droite comme de gauche).

 

par Rodolphe GUILHOT

Laisser un commentaire