Nantua et la Savoie

Thumbnail imagepar Emmanuel Coux, membre du MRS, habitant du Bugey

Les relations entre l’Ain et la Savoie sont très anciennes. Le nom même de « Sapaudia » proviendrait d’une province romaine située sur le Jura et le Genevois entre Belley au sud et Yverdon au nord. C’est dans cette province qu’Aetius installa les Burgondes en 443.

 S’en suit un passé commun dans les différents royaumes de Bourgogne jusqu’en 1032 où ce royaume rejoint le Saint Empire Romain germanique.

 Selon L. Ripart, historien de l’université de Savoie, la maison de Savoie aurait commencé son ascension en détenant plusieurs évêchés dont celui de Belley. Cette famille va passer du XIe au XIIIe siècle du rôle de représentation du pouvoir public (Comte pour les Roi de Bourgogne ou du Saint Empire) à un rôle de souverain avec une délimitation précise de sa souveraineté. Ce parcours ne s’achèvera qu’au XVe siècle avec la dignité ducale et la rédaction des statuts de Savoie.

 Dans ce qui est aujourd’hui le département de l’Ain et plus précisément près de Nantua, les Savoie possédaient depuis les origines, la châtellenie de Hautevilles-Lompnes dont la limite au nord est le village de Brenod. On ne connait pas l’origine de la possession de ces terres étant donné que Hautevilles ne fait pas partie du diocèse de Belley mais du diocèse de Genève (le Valromey est aussi dans cette situation).

 La ville de Nantua s’est développée autour de son abbaye qui n’est devenue qu’un simple prieuré de Cluny après le ravage des Hongrois. Cependant, il possédait des terres en biens propres. Des relations naitront entre la Savoie et le prieuré de Nantua. Ce prieuré est convoité car il est situé dans une cluse de passage (entre Lyon et Genève). Les Faucigny possèdent la ville de Chatillon en Michaille à l’entrée de la cluse et les Thoires Villards de l’autre coté. Ces derniers qui ont leur résidence principale à Montréal la Cluse rentrent souvent en conflit avec eux.

 Les Savoie, qui ont conscience du rôle stratégique de la Cluse vont se porter très tôt comme protecteurs du prieuré. Ils ont comme cela pris sous leur protection les abbayes de Saint Rambert et d’Ambronay qui ont rapidement intégré les possessions des Savoie. La dépendance de Cluny et la proximité des Thoires Villards freinera ce schéma pour Nantua.

 De ce fait, les relations seront plus conflictuelles avec ce prieuré. Prise et destruction du château de Montaigu près de Brenod par les Savoie vers 1289 (Guichenon, histoire de la Bresse et du Bugey), construction d’une Bâtie au Montcurnil en 1308 (commune des Neyrolles) de l’autre coté de la Cluse par les Savoie en plein sur le territoire du Prieuré (traduction des comptes de châtellenie d’Hautevilles-Lompnes), prise de Nantua et chevauchées régulières sur le territoire du monastère.

Le monastère sera donc pris sous la protection de l’un ou l’autre des belligérants (Savoie et Thoires Villards) jusqu’à l’acquisition des terres des Thoires Villards qui comprennent aussi le Genevois et Annecy au début du XVe siècle.

Le prieuré de Nantua deviendra par la suite un bénéfice réservé au fidèle ou à la famille des Savoie. Amédée VIII deviendra prieur à la suite de son abdication à la papauté, Jean Louis de Savoie en cumulant l’abbatiat de Saint Claude, d’Ambronay et l’évêché de Belley.

Des fidèles comme Pierre et son neveu Jean de la Forest, qui cumulent les bénéfices comme abbé de St Just à Suse, abbé de Payerne dans le pays de Vaud, prévot de l’hospice du Grand Saint Bernard (ces trois monastères sont dans le territoire de Savoie) et aumônier du duc de Savoie.

photo wikimedia commonsC’est à l’époque savoyarde que l’église de Nantua sera remaniée en style gothique flamboyant. Avec un nouveau cœur dû à Pierre de Mareste et la chapelle St Anne dû à Pierre de la Forest. Cette église d’assez grande dimension (longueur, 54 m, hauteur nef, 20m) fait donc partie du patrimoine savoyard. Une partie de l’église, surtout la façade, est de style roman.

Elle a été classée monument historique, sauf le clocher qui a été reconstruit au 19e siècle.

Nantua gardera en mémoire comme l’ensemble de la Bresse, du Bugey et du pays de Gex, un fond d’identité savoyarde. Au lendemain du traité de Lyon (1601), l’intégration, par la force dans le royaume de France sera difficile. Ces provinces, pleinement investies et développées par les Savoie ne devinrent pour le roi de France que des territoires parmi d’autres sans intérêt, à part récolter des impôts. Ceux-ci augmentèrent et l’économie chuta. Nantua vivota jusqu’à la révolution industrielle.

Emmanuel Coux

 

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