Le projet Savoyard

Par Noël Communod, Président du MRS

L’échec du referendum alsacien du dimanche 7 avril interroge tous ceux qui ont des projets similaires et au premier rang la Savoie.

Ce qui s’est passé en Alsace doit interroger tous les porteurs de ces projets sur les raisons de ce revers, sur les éléments incontournables pour réussir et enfin sur les méthodes des gouvernements jacobins successifs et des partis de gouvernement pour garder intact ce pouvoir centralisé, unique en Europe.

La Savoie a un projet : c’est aujourd’hui et maintenant qu’il faut le partager avec l’ensemble de la population en tirant les leçons de l’échec alsacien.


Le 7 avril restera inscrit dans l’esprit et le cœur des élus alsaciens comme un moment douloureux. Il sera pour nous, Savoyards et pour toutes les régions qui ont un projet, une occasion manquée ; et pour les Alsaciennes et les Alsaciens, une occasion manquée de maîtriser leur destin.

Sur le papier, l’Alsace s’annonçait comme la région pilote idéale pour entreprendre enfin une réforme aussi évidente aux yeux des français que la simplification du millefeuille des collectivités territoriales. Le projet de création d’une collectivité territoriale unique passant par la fusion des deux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin avec la Région avait été massivement approuvé en janvier par les élus concernés, dont ceux du PS et des Verts.

Il n’en reste pas moins que le refus des Alsaciens d’endosser un projet porté à la fois par l’UMP et le PS au plan national est une énorme claque devant servir de leçon aux partis de gouvernement et à leurs élus locaux.


Des projets similaires dans d’autres régions

De nombreux territoires avaient les yeux rivés sur cette première mise en œuvre de la loi de décentralisation de 2010 permettant des regroupements de collectivités. Le pays basque, la Catalogne nord, la Bretagne, les départements du Nord, de la région Centre, Limousin, Corse, Basse et Haute Normandie et d’autres encore ont des projets de regroupements et/ou de création de collectivités. En Savoie, les deux départements ont depuis longtemps le projet de se regrouper, soit en une Région Savoie, soit, plus récemment, en une collectivité à statut particulier, le Conseil des pays de Savoie.


Les raisons du revers alsacien :

Nos amis alsaciens avaient un beau projet, efficace, bien ficelé mais ils ont dû faire face à une coalition très hétéroclite, mêlant l’extrême droite et l’extrême gauche, qui a fait capoter le projet. Cela démontre que notre pays est incapable de se réformer. Les gens ont tendance à dire non à tout. Et puis, le 7 avril, on ne parlait que de l’affaire Cahuzac.

Beaucoup de personnes ne sont sûrement pas allées voter à cause de celà. le syndicat Force ouvrière, au nom de la défense des emplois publics menacés par la fusion ainsi que deux « grands » élus locaux, les maires PS de Strasbourg et UMP de Colmar, soucieux de défendre les prérogatives particulières de leur ville dans la perspective des prochaines municipales ont achevé le malade.

L’abstention reflète aussi l’indifférence et la suspicion traditionnelles de l’électorat sur des questions institutionnelles éloignées de leurs préoccupations immédiates.

  • Les institutions n’intéressent pas beaucoup les Français ; en Rhône-Alpes, qui connait le rôle de la région ? Qui connait le nom de son Président ?

  • Le vote alsacien est intervenu en pleine crise politique ; 77% des Français estiment que les politiques français sont corrompus.

  • La tendance naturelle des élus est de gouverner en écartant le plus possible des décisions  les citoyens censés ne rien comprendre aux vrais enjeux.

  • La construction du projet alsacien s’est faite entre les élus ; les citoyens ne furent consultés qu’une seule fois, en fin de parcours mais avant l’avis de l’Etat.

  • Il en est de même pour l’acte III ; seuls les élus furent consultés lors des Etats généraux d’octobre 2012 ; seules les associations d’élus furent entendues. Le résultat est catastrophique.

  • De même, en Alsace, les élus des deux grands partis ont ignoré tous les autres partis qui les soutenaient ou auraient pu les soutenir ; ils ont, par exemple, ainsi laissé de côté « Unser Land », parti régionaliste, membre comme le MRS de RPS et de l’ALE ; ce fut une grosse erreur. L’absence d’un courant populaire pour porter une telle réforme est rédhibitoire. 

  • Les craintes de centralisation, d’économies d’échelle, de pertes d’emploi, d’imposition supplémentaire ont jalonné la campagne alsacienne.


A quel jeu joue le gouvernement ?

Au cours des derniers mois, le Président et le premier ministre ont encouragé le processus alsacien, mais d’autres membres du gouvernement l’ont critiqué. Une série de faits se sont produits :

  • L’expulsion d’Aurore Martin vers l’Espagne par le ministre de l’intérieur a sapé le projet basque.

  • Quelques explosions dans des villas vides en Corse ont permis de supprimer l’essentiel du statut particulier de l’île.

  • L’annulation par les sénateurs socialistes de l’amendement voté à l’assemblée nationale et permettant le rattachement de la Loire atlantique à la Bretagne arrangeait trop les intérêts du premier ministre pour être neutre.

  • Le renoncement du Président de la république à ratifier la charte européenne des langues régionales malgré sa promesse électorale ; et le refus de mettre en œuvre la charte européenne de l’autonomie locale, qui simplifierait l’acte III de la décentralisation sont très regrettables.

  • Les forces jacobines qui entourent le Président sont plus nombreuses que jamais.

  • Le projet de loi de décentralisation, devenu peau de chagrin de version en version, puis découpé en trois morceaux selon une méthode bien connue, de reculades en reculades, s’est vidé de tout contenu et de toute cohérence.

Il reste donc à construire un nouvel horizon et à le faire partager.


Le cas de la Savoie est spécifique :

Il s’agit d’une simplification radicale du millefeuille administratif puisque nous proposons de remplacer deux départements et une région par une collectivité unique qui aurait les compétences départementales et régionales.


Conditions de la réussite pour regrouper les 2 départements savoyards :

Le résultat alsacien pourrait être de nature à refroidir la volonté des conseillers généraux d’engager le processus. Mais la loi Sarkozy est mal construite. Consulter d’abord les élus est de nature à provoquer la réaction négative d’un peuple que l’on consulte quand tout est ficelé ; il faudrait appliquer la démocratie représentative : c’est le peuple qui décide de l’objectif et qui mandate les élus pour la mise en œuvre.

Il conviendrait donc de profiter des textes de loi en préparation pour modifier celui de 2010 en ce sens.

Et donc, concernant la Savoie, cela renvoie chacun à ses responsabilités.

Si nos deux Présidents de Conseils généraux veulent vraiment s’engager pour  la fusion, il faudra qu’ils acceptent le risque d’être désavoués par leurs électeurs. S’ils ne veulent prendre aucun risque ou si leurs calculs deviennent purement politiciens, ils écarterons las Savoyards du projet.

Il n’est pas possible qu’ils en fassent un holdup institutionnel en excluant des catégories de Savoyards ; c’est une des raisons de l’échec en Alsace. En effet, les mouvements régionalistes ont été tenus à l’écart du processus, comme d’autres partis minoritaires.

C’est en réaction à ces pratiques de holdup démocratique (modes de scrutin conçu pour la seule alternance droite-gauche, moyens d’information sous contrôle de ces deux blocs..) que depuis deux mois, le premier parti italien (Cinque Stelle), n’est plus ni de droite, ni de gauche et a pour objectif d’éliminer de la scène politique les élus professionnels à vie de la politique.

Les Français sont parfaitement conscients que UMP+PS représentent ensemble moins de la moitié des Français en âge de voter et les sondages sont édifiants.

Pour que la population s’approprie le projet, il faut que chaque catégorie y trouve son intérêt et, en ce sens, la stratégie de l’APS de construire des projets impliquant les deux départements, sur le plan économique, culturel, agricole ou universitaire sont très positifs.

Le groupe de travail et de communication ne doit pas être composé, ni piloté seulement par des élus. Il conviendra de faire confiance à l’intelligence et à l’initiative des gens. Le travail de terrain, hors étiquettes politiques sera essentiel.


Le débat en Savoie

Le Mouvement Région Savoie (MRS) prône depuis 40 ans la création d’une Région Savoie et veut redire que c’est la solution optimale pour notre territoire.

Le sujet étant complexe, nous proposerons prochainement une réunion de débat sur le sujet de la fusion des départements et nous inviterons des représentants d’autres territoires ayant des projets similaires. Des représentants de l’Alsace seront présents.

Le MRS a décidé de prendre toute sa place, sans préjugés, dans ces débats, pour expliquer toutes les spécificités de la Savoie qui en font un cas particulier et tous les avantages que les Savoyards pourront trouver à cette nouvelle autonomie.

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