Polarité des métropoles: le cas de la Savoie

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Le gouvernement français a décidé, assure-t-il, de créer de grandes régions aux pouvoirs renforcés, regroupées autour de métropoles dynamiques. J’ai un peu du mal à voir pourquoi on ne peut pas commencer par renforcer les pouvoirs des régions existantes; la superposition des deux réformes risque de faire apparaître la seconde comme une promesse destinée simplement à faire passer la première.

 

Mais la question reste de savoir s’il est vraiment indispensable de créer des grandes régions centralisées autour de métropoles dynamiques, et en particulier si pour l’ancienne Savoie c’est une nécessité. 

 

Au dix-neuvième siècle, les Savoyards, isolés dans leurs frontières, apparaissaient comme un peuple de paysans dirigés par des magistrats depuis des petites villes: au fond, l’organisation médiévale persistait, avec quelques aménagements pour préciser le droit, le rendre plus clair. Ce n’était pas le féodalisme au sens négatif, où le seigneur faisait ce qu’il voulait: plutôt un Moyen Âge tel que le concevaient les romantiques, avec un bon roi lointain qui s’efforçait d’aider les Savoyards à s’enrichir et des administrateurs et des ecclésiastiques qui étaient des leurs. Stendhal à cause de cela louait le régime du Duché – vantant jusqu’aux mérites des prêtres locaux, qui étant savoyards eux-mêmes participaient pleinement à la vie populaire.

 

Il mentionnait aussi, néanmoins, l’impatience des habitants pour ce qui est de l’économie, du commerce. Certes, les frontières fermées, les prêtres, les magistrats royalistes et catholiques, leur garantissaient le maintien de leurs traditions, de leurs coutumes, de leur indépendance culturelle. On vénérait les symboles de la petite patrie, la dynastie de Savoie, François de Sales. Mais l’heure n’était plus à cette vie médiévale simple – telle qu’elle existe encore en Asie, dans les montagnes de l’Himalaya, gorgées de religiosité. Ouvertes sur  Paris, Lyon, Genève, les villes savoyardes en particulier voulaient s’enrichir. Or, il manquait justement à la Savoie une métropole d’importance. On ne peut pas vraiment le nier.

 

Toutefois, l’ouverture des frontières a permis à Genève d’apparaître dans une large part comme étant cette métropole naturelle dont la Savoie, en particulier au nord, avait besoin. Le département de Haute-Savoie, d’ailleurs, a accompagné à cet égard l’histoire, en passant des accords directement avec la cité de Calvin, ce qui lui a permis d’acquérir une certaine autonomie, une capacité d’initiative propre. Or, logo_aps.jpgcela lui a été très bénéfique. Ce qui est donc surtout inquiétant, dans le projet du gouvernement français, c’est la suppression des départements.

 

S’il les trouve trop petits et étriqués, il suffit de dire que c’est à présent l’Assemblée des Pays de Savoie – interdépartementale – qui doit représenter seule les deux départements, qui seront de fait supprimés; cette assemblée peut diriger ainsi une Région Savoie, dont la petite taille est justifiée par son caractère frontalier d’une métropole majeure. D’ailleurs, puisque celle-ci rayonne aussi sur le département de l’Ain, on peut accroître la taille d’une telle Région en y ajoutant le territoire de celui-ci, qui fut savoyard jusqu’à l’orée du dix-septième siècle, et qui l’est souvent resté dans l’âme, en particulier dans le Bugey. La grande époque, culturellement parlant, de ce dernier et de la Bresse, date bien du duché de Savoie – d’Amédée VIII à Charles-Emmanuel Ier.

 

Les solutions sont donc possibles, en dehors de Lyon.

 

>Rémi MOGENET(http://remimogenet.blog.tdg.ch/archive/2014/06/19/polarite-des-metropoles-le-cas-de-la-savoie-257102.html)

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