Référendum en val d’Aoste : la santé ou l’incinération

 

Par Laurent BLONDAZ

 

Le 18 novembre prochain, les valdôtains seront appelés à s’exprimer par voie référendaire sur la construction d’un incinérateur pour leur vallée. De notre côté, la triste expérience de Gilly-sur-Isère, aussi bien que la gravité de la pollution de l’air en vallée d’Arve, ou encore le scandale du stockage des machefers de l’agglomération annécienne, montrent que les savoyards ont malheureusement pris de l’avance… dans ce qu’il ne faut surtout pas faire !

Le MRS affiche son soutien au « comité du OUI », qui appelle à mettre en oeuvre une solution alternative, et tout particulièrement au mouvement ALPE : Autonomie Liberté, Participation, Écologie, parti avec le quel nous partageons les mêmes valeurs. Dans les lignes qui suivent, nous publions la lettre de soutien envoyé à nos amis valdôtains.

 

Chers amis Valdôtains,

 

Vous aller devoir bientôt vous prononcer sur la question de la construction d’un incinérateur « pyrogazéificateur ». Le référendum d’initiative populaire est une chance que nous n’avons malheureusement pas en Savoie, et cela aurait peut-être changé le cours des choses, à condition encore que la population soit bien informée. La France, État éminemment centraliste, n’a malheureusement toujours pas daigné laisser aux populations locales et régionales le droit de prendre elles-mêmes des initiatives démocratiques, et ceci fait cruellement défaut.

 

Au même titre que les centrales nucléaires, la France, sous la pression de deux groupes industrialo-financiers, possède le plus grand parc d’incinérateurs d’ordures ménagères d’Europe. Pas moins de neuf sur le territoire des Pays de Savoie1, dont un fermé, et ceci n’est pas sans conséquences sur notre environnement.

 

C’est malheureusement en Savoie, à Gilly-sur-Isère, à quarante kilomètres du Petit Saint-Bernard qu’à eu lieu le plus grand scandale lié à un incinérateur français. En 2001, suite à des suspicions d’augmentations de cancers dans la commune, des mesures sont pratiquées. Elles montrent que tout est contaminé aux alentours du four : les végétaux, l’herbe que broutent les animaux et même le lait2. Le Préfet ordonne immédiatement la fermeture du four. Fin 2002, le bilan suivant fut établi : 365 exploitations agricoles (d’élevage) étaient touchées. 2 230 000 litres de lait étaient détruits et 6 875 têtes de bétail abattues. Le lait maternel était contaminé à hauteur de 75 picogrammes par gramme, soit trois fois la limite autorisée pour le lait de vache. Près de 10 000 tonnes de foins furent également contaminées. Elles restèrent entassées au grand air et personne ne sut qu’en faire.

 

Autre grave phénomène de pollution. En 2009, la commune de Passy, au cœur du Pays du Mont-Blanc, a été qualifiée par les médias de « commune la plus polluée de France » ! Celle-ci, située en fond de vallée, au pied d’un verrou glaciaire, cumule à la fois un incinérateur, une usine de production de graphite, une partie de la rampe autoroutière de montée au tunnel du Mont-Blanc et un bassin de population relativement important. Cette année là, les taux de benzo(a)pyrène, composé hautement cancérigène, dépassent de 390% le seuil maximal admissible fixé à 1ng/m3. De plus, le taux maximal de pollution en particules fines (PM10) est régulièrement atteint dans la vallée de l’Arve, jusqu’à doubler le seuil de 35 jours de dépassements, fixé par l’union européenne3. En conséquence, sous la pression d’associations locales, le préfet de Haute-Savoie a été contraint de mettre en œuvre un Plan de Prévention de l’Air (PPA), plan qui jusqu’à ce jour ne semble guère apporter d’évolutions significatives.

 

Un chiffre pour montrer la gravité de la situation : selon le ministère français de l’environnement, près de 42 000 décès par an en France sont dus à la pollution de l’air par les particules PM2,5 liées aux activités de l’homme4.

 

De ces expériences, une conclusion s’impose : un incinérateur, quelque soit la technologie employée, ou toute autre source importante de pollution de l’air, ne devraient en aucun cas être installés au fond d’une vallée encaissée, dont le relief et les effets d’inversion de température limitent la circulation de l’air. Les enjeux en sont : notre santé, celle de nos enfants, la capacité de la nature à nous apporter des produits agricoles sains, et aussi l’image de pureté qui fait de nos contrées des destinations touristiques appréciées.

 

Le progrès technique est toujours amené comme une solution miracle qui s’impose comme une panacée. En douter, c’est s’exposer à des réactions lénifiantes, soufflées en général par des opérateurs économiques intéressés. Malheureusement, les vices se révèlent souvent lorsqu’il est trop tard.

Le MRS souligne le courage du mouvement ALPE, qui s’est positionné en donneur d’alerte pour appeler la population valdôtaine à s’interroger sur la pyrogazéification.

Amis valdôtains, vous disposez d’un outil démocratique formidable : le référendum d’initiative populaire. Utilisez-le pleinement !

 

 

Pour le Mouvement Région Savoie,

le secrétaire,

Laurent BLONDAZ

 

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 1Source : http://www.france-incineration.org/

2Michel Roulet : Incinération = pollution, le scandale de l’incinérateur de Gilly, pp 79, 89. Édition du Layeur (2008)

4http://www.developpement-durable.gouv.fr/Lutte-contre-la-pollution,25441.html
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Thumbnail imagePour en savoir plus sur le scandale de Gilly-sur-Isère :  Incinération = Pollution,
de Michel Roulet, Édition du Layeur (2008)

Les téléspectateurs français ont pu découvrir récemment, sur la chaîne Canal +, un reportage alarmant de Bastien Morassi et Emmanuel Raoul intitulé « Savoie : un scandale écologique sans coupable ? ».

De quoi s’agissait-il ? Rien moins que de « la plus grande pollution à la dioxine jamais arrivée en France ». Dans ce film, témoigne celui qui le premier mit les pieds dans le plat, Michel Roulet, un ingénieur sensibilisé aux risques industriels, qui dénonça cette hérésie écologique qu’était l’incinérateur de Gilly-sur-Isère.

Il se battra pour imposer la fermeture, obtenue en 2001, après qu’ait été commis des dégâts considérables. À ce titre, son témoignage est précieux car il raconte quel parcours d’obstacles faits de pesanteurs sociales, de connivences entre politique, technocratie et lobbys industriels, de chausse-trappes juridiques, la vérité dut accomplir pour qu’enfin l’intérêt collectif soit pris en compte.

Un témoignage souvent inquiétant, parce qu’il révèle les graves béances existantes en matière de contrôle des toxicités, d’identification des substances chimiques nocives, de registre des cancers, de droit des sols pollués et qui souligne des enjeux majeurs de santé publique auxquels nous serons confrontés dans les années qui viennent.

Ingénieur physico-chimiste, Michel Roulet a d’abord travaillé dans le contrôle de qualité industriel, particulièrement sur des matières premières destinées au nucléaire. Suite à cette expérience, durant laquelle il découvre les impasses de cette industrie, il se réoriente vers la gestion et la normalisation technique de l’entreprise. Il termine sa carrière professionnelle comme auditeur-consultant dans le domaine de l’environnement industriel et des productions industrielles plus écologiques.

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