Beaucoup de gens s’en prennent au gouvernement français, actuellement, et j’avoue n’avoir pas envie de défendre Jean-Marc Ayrault, notamment à cause de ce qu’il a dit lorsqu’il a annoncé des mesures pour améliorer la compétitivité des entreprises. Quelle que soit l’intention qu’il a eue en parlant de cela, il a mentionné les gros groupes qui font la fierté de la France; or, pour moi, la France n’est fière que de ses citoyens pris un à un, pauvres ou riches, petits ou gros, qu’ils soient solitaires ou qu’ils vivent en groupe.
Ennoblir d’emblée de cette façon les gros groupes qui permettent aux Français de s’imposer à l’étranger m’a paru ressortir à l’impérialisme monarchique.
D’ailleurs, ce n’est pas la fierté de la France, qui compte, en économie, mais la capacité à créer des produits qui se vendent, qu’on ait envie d’acheter. Or, contrairement à ce qu’on pourrait croire, cette capacité n’est pas forcément liée aux gros groupes. L’horlogerie suisse marche bien justement parce qu’elle n’est pas monopolisée par un gros groupe, mais animée par de petites et moyennes entreprises qui rivalisent d’efforts pour créer de belles montres. Le gros groupe – tout comme l’État centralisé – tend à figer l’innovation, à faire obstacle à la créativité – laquelle ne vient pas de la multitude des cerveaux mis ensemble en connexion électromagnétique, comme on se l’imagine ici ou là, mais des individus qui trouvent au fond d’eux-mêmes des idées nouvelles et de leur entourage qui accepte de les appliquer après les avoir comprises.
En tout cas, personne n’achète un produit parce qu’il est français.
Et puis, personnellement, je crois que les gros groupes qui font la fierté de la France coûtent souvent plus qu’ils ne rapportent. Je suis favorable à ce que leurs monopoles soient brisés. Plusieurs de ces gros groupes, d’un côté sont soutenus par l’Etat, de l’autre se parent du concept de service public pour mieux s’imposer. C’est le cas du gros groupe qui s’occupe de l’électricité. Il a une politique commerciale agressive, et se prévaut de décisions politiques allant dans le sens de l’écologie, dans le même temps. Or, cela tend à uniformiser les pratiques, et à empêcher des petits groupes d’être innovants dans les transports, le chauffage, l’éclairage – ou même les individus de faire des choix autres, de dépenser différemment leur argent. En soi, par conséquent, ce monopole coûte cher et a des avantages plus politiques qu’économiques.
Car les gros groupes qui font la fierté de la France participent du sentiment national, qui n’a jamais servi l’économie, et qui, sur le plan culturel, n’est qu’une couleur parmi d’autres. On peut aussi aimer les petits groupes qui font la fierté de la Savoie, pourquoi pas ? Ou les petits groupes qui font la fierté de mon village. Ou les individus qui font la fierté de l’humanité. L’échelon national n’est pas sacré.
Remi Mogenet
Article publié le 7/01/2013 sur http://remimogenet.blog.tdg.ch
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