Vivement la sixième république !

parlementLe feuilleton- réalité « règlement de compte à l’UMP » qui occupe en permanence les chaines d’info depuis une dizaine de jours met en question notre démocratie. Au-delà de l’hilarité générale provoquée par chaque péripétie nouvelle de cette guerre fratricide, un certain malaise s’installe chez les électeurs. Puisque des responsables politiques de haut niveau ne sont pas capables de faire mieux que les dirigeants de la Côte d’Ivoire, puisqu’il paraît avéré que des élus de villes importantes ont bourré les urnes, pouvons-nous encore faire confiance à notre système  ?

Nous vivons depuis le 4 octobre 1958 sous un régime de la cinquième république qui accorde un pouvoir très important au président lequel conditionne presque toute l’orientation de la vie politique. La constitution de la cinquième république, mise en place dans les circonstances exceptionnelles de la prise de pouvoir par le général de Gaulle, a longtemps semblé faite sur mesure pour ce dernier bien qu’elle ait, depuis, vu passer sans grands problèmes six présidents, dont François Mitterrand qui l’avait pourtant violemment critiquée.

Contrairement à l’allégation intéressée des caciques UMP, la Savoie n’est pas leur fief de toute éternité. Avant la guerre, les deux départements se situaient plutôt du côté des radicaux. A la Libération la Savoie du sud prend une légère orientation vers la gauche socialiste, tandis que la Haute-Savoie s’ancre solidement à droite mais en suivant le MRP, Charles Bosson et François de Menthon ayant refusé de voter les pouvoirs spéciaux à De Gaulle.

Le déclin continu de la démocratie chrétienne et l’hégémonie nationale écrasante des différentes formations gaullistes (UNR, UDR, RPR) attirant tous ceux pour qui les idées comptent moins que les places a pu faire croire un instant qu’une seule et même « famille politique » représentait notre territoire. Et il est vrai que depuis presque quarante ans, par le jeu des cumuls entre mandats municipaux, cantonaux puis régionaux et représentation parlementaire, une droite caricaturale (jusqu’à très récemment pas de femmes, pas de jeunes…) a longtemps gouverné, notamment en Haute-Savoie.

Cette droite-là, même si elle a à certains moments appuyé le projet de région Savoie, n’a, c’est le moins que l’on puisse dire, jamais fait preuve de témérité sur la question. Il s’agissait plutôt de récupérer un sentiment populaire et de replacer l’élite en état de domination. Soit par conviction jacobine, soit par ambition, soit par manque de courage, elle a toujours préféré relayer les orientations voire appliquer les grandes directives de  l’échelon supérieur lyonnais ou parisien. Mais sur ce point là, on peut en dire autant de la gauche socialiste et communiste.

Cette droite-là a besoin avant tout d’un chef, quel qu’il soit, derrière lequel elle puisse s’abriter pour continuer ses petites affaires dans son petit coin. Cette droite-là ne s’embarrasse pas de « valeurs » quand il s’agit de se maintenir comme l’a montré l’épisode des Régionales de 1998 où elle a soutenu comme un seul homme Charles Million.

On voit bien aujourd’hui que les prises de position très différentes des uns et des autres sont moins le résultat de divergences politiques que de l’examen des conséquences de leur choix sur la suite de leur carrière. « Les valeurs de la Républiques » brandies trop souvent par des candidats aux différents scrutins sont menacées parce qu’elles se sont révélées impuissantes à défendre les plus faibles contre les dérives de la globalisation et de la finance mondialisée. Il n’est donc pas étonnant de voir une bonne partie de nos hommes politiques les remplacer petit à petit par des thèmes sécuritaires, patriotiques et conservateurs beaucoup plus payants électoralement. Comme il apparaît de plus en plus que ce qu’on dit en politique n’a qu’une importance relative quand seul compte le résultat et que, comme dans le sport qui est le baromètre de notre société, l’essentiel et de gagner à tout prix, la tricherie, le mensonge, le cynisme ne craignent plus de s’afficher au grand jour. De transgression en mystification la droite décomplexée est en train de brûler son héritage.

La République a mis plus d’un siècle et demi à se mettre en place contre des forces qui mêlaient le nationalisme et un vieux fond royaliste. Celles-ci ne se sont jamais remises de leur compromission avec l’occupant nazi et on a pu penser qu’elles étaient définitivement enterrées. Le « pacte républicain » qui s’est alors instauré à la Libération s’est appuyé sur les mesures sociales instaurées par le Conseil national de la Résistance qui ont rassemblé communistes, socialistes, démocrates-chrétiens et gaullistes.  Quand la quatrième république qui avait pourtant réussi la reconstruction de la société française d’après-guerre est morte de son instabilité et de son échec à gérer la décolonisation, le pacte a perduré dans une idéologie gaulliste largement consensuelle (grandeur de la France et non alignement, prospérité économique et progrès social, défense des droits de l’homme et des peuples). Cela signifie que la droite et la gauche (bien que s’opposant sur le rôle de l’Etat dans l’économie ou les « problèmes de société » comme l’Ecole ou les mœurs) se référaient à un socle de valeurs communes et qu’elles excluaient les formations « non républicaines » comme le Front national qui rassemblait, à l’origine, surtout des groupuscules d’extrême droite nostalgiques de Vichy et de l’Algérie française.

Ce que nous révèle la violence de la déferlante qui s’est abattue sur l’UMP ce n’est pas seulement le « choc des égos », le conflit générationnel ni même le clivage entre « droite forte et « droite sociale ». C’est aussi la confirmation de la mise à mort du gaullisme. Personne ne s’en réjouira puisque la dépolitisation, l’abstention et le vote extrémiste vont encore gagner du terrain. Un régime de pouvoir personnel est par essence détestable même quand ceux qui l’exercent sont mus par une authentique vision de l’Histoire. Mais quand il devient une coquille vide et un objet de convoitise pour ceux qui n’ont d’autre but que de l’utiliser à leur profit, il suscite de surcroit l’indignation et le dégoût. Et puisqu’on ne peut changer la nature humaine, changeons donc les institutions. Vivement la sixième république !

 

LF

 

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